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Vente par correspondance : le gros lot ? Quel gros lot ?
Les promesses de gain affichées dans les loteries des vépécistes sont loin d’être toujours tenues. Et certains flirtent même avec la tromperie.
Henriette aura bientôt 95 ans. Depuis quelques années, elle accumule les abonnements à diverses revues, ainsi que les livres commandés auprès de Sélection du Reader’s Digest. « Pourtant, elle ne lit jamais », observe sa fille Patricia.
Cette dernière a déjà résilié une trentaine d’abonnements au nom de sa mère, elle a donné à des associations des dizaines de bouquins neufs et a apporté à la déchetterie un nombre incalculable de produits commandés par Henriette. Malgré cela, la maison de la vieille dame reste encombrée de paquets, car de nouveaux arrivent chaque semaine.« Ma mère n’ouvre même plus les colis »
« Elle n’ouvre plus les colis : elle ne s’intéresse qu’aux courriers lui annonçant qu’elle a gagné », se désespère Patricia… Et aujourd’hui, Henriette se retrouve endettée et menacée de poursuites !
Patricia a bien écrit à Sélection du Reader’s Digest. « Cette société recourt à l’envoi systématique de courriers laissant entendre qu’une commande supplémentaire ne peut qu’accroître les chances du destinataire de gagner le gros lot, et même qu’il est déjà remporté et en route », fulmine Patricia.
Du gros lot à la désillusion
Combien sont-ils, ces « grands gagnants » à qui l’on fait constamment croire qu’ils ont remporté le gros lot, surtout s’ils passent une petite commande ? Le procédé est toujours le même, avec quelques variantes. On vous dit que « vous avez gagné un ...
Les promesses de gain affichées dans les loteries des vépécistes sont loin d’être toujours tenues. Et certains flirtent même avec la tromperie.
Henriette aura bientôt 95 ans. Depuis quelques années, elle accumule les abonnements à diverses revues, ainsi que les livres commandés auprès de Sélection du Reader’s Digest. « Pourtant, elle ne lit jamais », observe sa fille Patricia.
Cette dernière a déjà résilié une trentaine d’abonnements au nom de sa mère, elle a donné à des associations des dizaines de bouquins neufs et a apporté à la déchetterie un nombre incalculable de produits commandés par Henriette. Malgré cela, la maison de la vieille dame reste encombrée de paquets, car de nouveaux arrivent chaque semaine.« Ma mère n’ouvre même plus les colis »
« Elle n’ouvre plus les colis : elle ne s’intéresse qu’aux courriers lui annonçant qu’elle a gagné », se désespère Patricia… Et aujourd’hui, Henriette se retrouve endettée et menacée de poursuites !
Patricia a bien écrit à Sélection du Reader’s Digest. « Cette société recourt à l’envoi systématique de courriers laissant entendre qu’une commande supplémentaire ne peut qu’accroître les chances du destinataire de gagner le gros lot, et même qu’il est déjà remporté et en route », fulmine Patricia.
Du gros lot à la désillusion
Combien sont-ils, ces « grands gagnants » à qui l’on fait constamment croire qu’ils ont remporté le gros lot, surtout s’ils passent une petite commande ? Le procédé est toujours le même, avec quelques variantes. On vous dit que « vous avez gagné un chèque de X milliers d’euros », et qu’il faut le réclamer en renvoyant un bulletin de participation…
Mais cela n’est en réalité que la première étape d’un parcours menant, le plus souvent, à un à-valoir de quelques euros. Le tout en faisant bien comprendre qu’une commande passée en même temps pourrait optimiser les chances de gagner.
Un consommateur moins protégé qu’avant
Il est vrai qu’en ce domaine, la protection des consommateurs a sérieusement reculé depuis quelques années. Avant 2010, les loteries commerciales étaient interdites dès lors que le participant devait verser une contrepartie ou acheter un produit. Mais un arrêt de 2010 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est venu tout remettre en cause : un État ne peut interdire les loteries commerciales que si elles sont déloyales. Ainsi, n’importe quel jeu-concours publicitaire peut être assorti d’une obligation d’acheter, à condition d’être « loyal ».
Les sociétés de vente par correspondance (VPC) s’en donnent depuis à cœur joie, en inondant les boîtes aux lettres de promesses aguicheuses. Jusqu’à flirter avec la tromperie, en usant de documents ressemblant à des feuilles d’impôt ou à des chèques bancaires, pour que le courrier n’aille pas directement à la corbeille…« Sans ces jeux, ma société ne serait pas viable »
Les spécialistes des publipostages à la limite de l’esbroufe s’appellent Afibel, Biotonic, ou encore Délices et Gourmandises. « Sans ces jeux, la société ne serait pas viable », reconnaissait le dirigeant d’une société mise en cause, lors d’une garde à vue. Interrogé sur la rentabilité de ces loteries, il a évoqué alors un rapport coût/rendement de 1 à 60. Pour 10 € investis, 600 € entraient dans les caisses !
« Plus les jeux sont aguichants, et plus de personnes sont intéressées, ça coule de source, poursuivait-il. Si les jeux n’accompagnaient pas le catalogue, il n’y aurait pas de commande de certains clients. Je dois dire que le fichier clients est basé sur les personnes qui sont connues pour être des joueurs… »890 110 gagnants « uniques »
En enquêtant sur Délices et Gourmandises il y a quelques années, les inspecteurs de la Répression des fraudes (DGCCRF) ont établi que cette société de vente à distance de biscuits avait adressé à 890 110 personnes le même courrier personnalisé leur certifiant qu’elles étaient chacune l’unique gagnante de la somme indiquée.
Entre 2010 et 2012, 42 loteries publicitaires auraient été organisées par cette société, touchant plus de 1,7 million de clients potentiels à travers le pays. Mais aujourd’hui, certains destinataires se rebiffent, et exigent le gain promis devant les tribunaux.
Yvette se rebiffe !
C’est le cas d’Yvette, qui a reçu un jour de 2011 un courrier de Délices et Gourmandises lui annonçant qu’elle avait remporté 9 000 €. Elle ne décèle aucune raison de ne pas réclamer ce gain qui semble si définitivement acquis. Mais le vépéciste ne lui remet pas le chèque promis.
Déterminée, elle le lui réclame en justice, quitte à aller jusqu’en Cour de cassation. Depuis 2002, la haute juridiction a une jurisprudence qui ne varie pas : l’organisateur d’une loterie qui annonce un gain sans mettre en évidence l’existence d’un aléa (à savoir le caractère hypothétique du gain) « s’oblige » à délivrer ce gain. En 2010, la Cour de cassation a précisé que cet aléa devait apparaître au consommateur « à la première lecture » du message envoyé.
9 000 € obtenus en justice
C’est sur ce fondement qu’en 2015, Yvette et une autre gagnante ont pu obtenir les 9 000 € promis, à l’issue d’un arrêt de la Cour de cassation. « La société avait répété de manière très apparente, sans aucune nuance donnant à penser à un quelconque aléa, son engagement de payer la somme attribuée à Mme X, déclarée gagnante sous contrôle d’un huissier de justice », lit-on dans l’attendu.
C’est Me Isabelle Terrin, la terreur des vépécistes, qui a permis à Yvette, et à bien d’autres, de l’emporter. Cette avocate marseillaise, qui mène un combat judiciaire contre les abus des loteries commerciales, vient de déceler une autre faille dans leur système. Elle se résume à une question simple : le gros lot promis à tant de prospects est-il bien distribué au final à quelqu’un ?
Des loteries sans lot ?
Le doute apparaît en lisant le règlement. « Lorsque Délices et Gourmandises indique, dans l’article 11 de son règlement, que le prix peut être remis en jeu s’il n’est pas attribué, cela signifie que le lot n’est pas distribué : il fera l’objet d’une autre loterie, explique-t-elle. Ce règlement habile permet donc à cette société d’organiser des loteries sans lot. »
Or, l’article L. 121-4 du code de la consommation dispose que sont réputées trompeuses les pratiques commerciales qui ont pour objet « d’affirmer, dans le cadre d’une pratique commerciale, qu’un concours est organisé ou qu’un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable ». Pour en avoir le cœur net, l’avocate a déjà exigé le nom des heureux élus, en pure perte.
Après quelques recoupements, un seul gagnant aurait été établi de manière certaine sur neuf loteries étudiées. « Aucun lot n’a été attribué pour les huit autres loteries », affirme Me Terrin. Alors, le Consortium publicitaire européen, qui détient désormais le catalogue Délices et Gourmandises, s’adonne-t-il à des loteries sans grand gagnant ? Personne n’était en mesure de répondre à nos questions fin décembre.
À la poubelle
Cet angle d’attaque de la loterie sans lot, Me Terrin vient de l’utiliser pour la première fois en janvier dernier devant le tribunal de grande instance de Paris, pour le compte d’un client de 88 ans. Durant plusieurs années, Joseph a constamment commandé des colis à Délices et Gourmandises pour décrocher le pactole… Seul le jeu et ses promesses de fortune motivaient les commandes.
Le vieil homme, qui était autrefois un redoutable homme d’affaires, est tombé en dépression depuis qu’il n’a plus l’espoir de remporter la moindre somme. Son fils n’a qu’un message. « Jetez tout immédiatement à la poubelle quand vous recevez ce genre de proposition commerciale. » Il veut rendre honneur et dignité à son père. Pour que Joseph gagne au moins une fois…Stop au bourrage de votre boîte aux lettres !
Pour qu’elles cessent leurs envois, il faut d’abord écrire aux entreprises concernées. Si elles sont adhérentes de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), celle-ci s’engage à faire stopper les envois.
Attention : à chaque nouvelle commande, vos coordonnées seront introduites dans un fichier susceptible d’être loué à d’autres entreprises du même type. Pour l’éviter, mentionnez sur le bon de commande que vous vous opposez à la transmission de vos coordonnées, ou cochez la case prévue en principe à cet effet.
Quiconque recevant des publicités non sollicitées à son nom peut aussi demander à ne plus en être destinataire en s’inscrivant gratuitement sur la Liste Robinson.
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