• Précarité énergétique : Pourra-t-on, décemment, continuer à louer des passoires thermiques ?

    Dernier communiqué « Précarité énergétique : un décret « décence » totalement indécent » signé par l’AFOC.

     Plus d'un ménage modeste sur cinq déclare souffrir du froid dans son logement

    En France métropolitaine, 3,5 millions de ménages ont déclaré avoir souffert du froid dans leur logement au cours de l’hiver 2005, soit 14,8 % des ménages (encadré). Cette proportion atteint 22 % chez les ménages modestes (1er quartile de niveau de vie) et 10 % parmi les plus aisés (4e quartile). Les ménages ayant souffert du froid consacrent en moyenne 4,9 % de leurs ressources au poste « énergie », soit davantage que l’ensemble des ménages (4,3 % - tableau 1).

    Globalement, la proportion de personnes déclarant « avoir eu froid au cours de l’hiver » précédant l’enquête a fortement progressé, passant de 10,9 % en 1996 à 14,8 % en 2006 (+ 3,9 points). Les conditions climatiques ne semblent pas responsables de cette évolution : l’hiver 2005-2006 n’a pas été plus rigoureux que l’hiver 1995-1996 (4,3 degrés contre 4,8 en moyenne). De plus, en dix ans, les conditions de logement se sont plutôt améliorées.

    Il est possible que la population soit devenue plus sensible au froid ou plus exigeante en matière de confort thermique que par le passé. Mais surtout ...

    , davantage de ménages ont déclaré avoir restreint leurs dépenses d’énergie en renonçant au confort thermique. En effet, les ménages ayant eu froid dans leur logement indiquent plus fréquemment en 2006 qu’en 2002 avoir limité leur consommation de chauffage en raison de son coût (21,5 % contre 14 %).

    Au total, 14,4 % des ménages français ont un taux d’effort énergétique dépassant 10 %, soit 3 800 000 ménages en 2006. Dans ce cas également, on peut parler de précarité énergétique. Près de 70 % de ces ménages sont parmi les plus modestes (1er quartile), le taux d’effort énergétique moyen décroissant avec les revenus : de 9,3 % pour les 25 % de ménages les plus modestes, il passe à 2,7 % pour les plus aisés                                                                                                                                                

    Tableau 1 - Taux d'effort énergétique selon les quartiles de niveau de vie  
    Lecture : le taux d'effort énergétique de l'ensemble de la population est de 4,3 % contre 4,9 % pour la population ayant déclaré avoir eu froid au cours de l'hiver précédent.  
    Champ : France métropolitaine.  
    Source : Insee, enquête nationale Logement 2006.  
    en %                                  
       Ensemble de la population    Population déclarant avoir eu froid                                  
     Ensemble    4,3    4,9                                  
     1er quartile   9,3    9,1                                  
     2e quartile   5,7    5,6                                  
     3e quartile   4,2    4,4                                  
     4e quartile   2,7   2,8                                  

     

    Avoir froid ou dépenser beaucoup pour se chauffer : deux populations différentes

    En dehors des ménages modestes, les deux populations touchées par la précarité énergétique ont des profils différents (tableau 2).

    Sont concernés les ménages consacrant plus de 10 % de leurs ressources pour chauffer leur logement. Il s’agit de propriétaires (19,5 %), de personnes de 65 ans et plus (25,4 %) et d’habitants de maisons individuelles (17,1 %). La précarité énergétique se manifeste par l’impossibilité d’atteindre une température convenable. Sont alors surtout concernés les jeunes (19,1 %), les locataires (25,2 %) et les ménages habitant en logement collectif (21 %).

    En outre, 621 000 ménages cumulent les deux formes de précarité. Parmi eux, 281 000 ménages consacrent plus de 15 % de leur revenu aux dépenses d’énergie. Ces ménages habitent dans des logements déperditifs entraînant de fortes dépenses d’énergie sans protéger du froid, ce qui place leurs occupants dans une situation de précarité énergétique extrême. Cette situation, que les experts attribuent à des logements qualifiés parfois de « passoires énergétiques », touche essentiellement les ménages les plus modestes (1er quartile de revenu). 75 % des ménages concernés cumulant les deux formes de précarité appartiennent au 1er quartile de revenu.

     Tableau 2 - Profils des ménages en précarité énergétique selon l'approche retenue  
     Lecture : parmi les ménages du 1er quartile de niveau de vie, 22,0 % ont déclaré souffrir du froid et 40,1 % ont un taux d'effort énergétique (TEE) supérieur à 10 % de leur revenu.  
     Champ : France métropolitaine.  
     Source : Insee, enquête nationale Logement 2006.  
     en %                                
     Part des ménages déclarant souffrir du froid    Part des ménages ayant un TEE > 10 %                                
    Ensemble des ménages    14,8   Ensemble des ménages    14,4                                
    Ménages du 1er quartile   22,0   Ménages du 1er quartile   40,1                                
    Locataires    25,2   Propriétaires    19,5                                
    Moins de 50 ans    19,1   Plus de 65 ans    25,4                                
    Logements entre 1949 et 1975    17,7   Logements avant 1948    20,1                                
    Agglomérations > 200 mille habitants    17,5   Communes rurales    20,8                                
    Habitat collectif    21,0   Habitat individuel     17,1                                

     

    Inconfort thermique : raisons financières, installation de chauffage défectueuse ou insuffisante

    Les principales raisons invoquées par les ménages se plaignant du froid sont relatives à l’état du logement : une mauvaise isolation est citée dans 41 % des cas, une installation de chauffage insuffisante dans 33 % des situations et une panne (ponctuelle, récurrente ou pérenne) de l’installation dans 18 % des cas. Par ailleurs, dans plus d’un cas sur cinq (21,5 %), les ménages limitent leur consommation de chauffage en raison de son coût. Sans surprise, les 25 % de ménages les plus modestes invoquent plus fréquemment que les autres des raisons financières (27 % des cas) ou une installation de chauffage insuffisante (37 % des cas) comme causes de leur inconfort thermique. À l’inverse, les ménages les plus aisés déclarant avoir eu froid citent plus fréquemment des pannes de chauffage, pannes a priori ponctuelles ne mettant pas en cause durablement leur confort thermique.

    L’inconfort thermique des logements anciens

     Les ménages qui déclarent souffrir du froid occupent plus souvent des logements construits entre 1949 et 1975. C’est le cas de 17,7 % d’entre eux, contre 14,8 % pour l’ensemble des ménages. La date de construction d’un logement influe donc sur son confort thermique, constat qui reste vrai lorsque l’on tient compte des caractéristiques de ces ménages et de la qualité du logement.

    À l’inverse, les logements construits après 1975 sont les plus performants sur le plan thermique. En conséquence, seulement 11 % des ménages éprouvent une sensation de froid. Les progrès accomplis se manifestent par une incidence plus faible de « défauts » structurels (mauvais état de la façade, des fenêtres, isolation médiocre du toit, présence d’humidité, infiltrations, etc.).

    Enfin, bien que présentant davantage de défauts, les logements construits avant 1948 n’exposent pas plus au froid que ceux construits entre 1949 et 1974 (16,8 %). Les façades de ces bâtiments sont pourtant souvent dans un état médiocre (49 %), tandis que 37 % de leurs fenêtres sont sans double vitrage et 31 % des logements sont humides (tableau 3).                        

     Tableau 3 - Présence de défauts dans le logement selon la date de construction  
     Lecture : 42,9 % des logements construits avant 1948 n'ont pas de double vitrage.  
     Champ : France métropolitaine.  
     Source : Insee, enquête nationale Logement 2006.  
     en %                      
    Date de construction  Infiltrations Fuites Bruit dans les agglomérations > 100 000 habitants État moyen ou mauvais de la façade Fenêtres en mauvais état Pas de double vitrage  Toit non isolé Humidité sur les murs                    
    Avant 1948    6,5    2,8    18,6    48,6    36,9    42,9    22,2    30,9                      
    Entre 1949 et 1967  

     4,6  

    2,5  

     18,2  

     44,8  

     34,2  

     38,1  

    10,2  

     20,5  

                       
    Entre 1968 et 1974  

     4,7  

     2,3  

     15,7  

     39,3  

     33,1  

     41,7  

     9,7  

     18,5  

                       

    Entre 1975 et 1981  

     4,3  

     2,1  

     11,1  

     39,6  

     28,5  

     29,0  

     10,2  

     15,2  

                       

    1982 et après

     4,3  

     2,4  

     7,7  

     23,9  

     13,5  

     7,1  

     5,3  

     11,5  

                       

     

    Le type de chauffage est déterminant dans la sensation de froid

    Au-delà des logements sans chauffage, les ménages déclarant souffrir du froid occupent souvent des logements équipés de chaudières collectives et d’appareils de chauffage indépendants (radiateurs, convecteurs, poêles - tableau 4).

    L’existence d’un chauffage secondaire venu suppléer un chauffage principal insuffisant ou trop onéreux s’accompagne d’un nombre plus élevé de ménages qui se plaignent du froid (32,1 % contre 14,5 % pour les ménages qui n’en n’ont pas).

    Le type d’énergie utilisée a également un impact. Parmi les ménages en inconfort thermique pour des raisons financières, 48 % se chauffent à l’électricité, alors qu’en moyenne 33 % des ménages utilisent ce type de chauffage. En particulier, malgré le coût de cette énergie, le chauffage d’appoint électrique est bien souvent le seul palliatif immédiat d’une installation principale défaillante ou insuffisante. Ces habitats de qualité médiocre en termes de bâti ou d’installations de chauffage sont souvent occupés par les plus modestes.                                                                                                                                   

     

    Tableau 4 - Mode de chauffage principal et secondaire des ménages  

    Lecture : 45 % des ménages ont une chaudière indépendante comme mode de chauffage principal, contre 12 % des ménages ayant déclaré avoir eu froid au cours de l'hiver précédent. 71,2 % des ménages n'ont pas de chauffage secondaire, contre 14,5 % des ménages ayant déclaré avoir eu froid.  
    Champ : France métropolitaine.  
    Source : Insee, enquête nationale Logement 2006.  
     en %                                  
      Part de ménages utilisant ce mode de chauffage Part de ménages ayant déclaré avoir eu froid                                
    Pas de chauffage principal    0,2    29,3                                  
    Chaudière collective    19,9    20,4                                  
    avec chauffage secondaire indépendant    2,3    36,5                                  
    Chauffage électrique    23,0    14,8                                  
    avec chauffage secondaire indépendant    2,4    24,1                                  
    Chaudière indépendante    45,0    12,0                                  
    avec chauffage secondaire indépendant    6,1    17,9                                  
    Appareils indépendants    6,9    21,0                                  
    Autres modes de chauffage    4,9    9,9                                  
    Tous modes de chauffage principal    100,0    14,8                                  
    sans mode de chauffage secondaire    71,2    14,5                                  
    avec un mode de chauffage secondaire    28,8    32,1                                  

     

    Les locataires qui ne peuvent pas choisir leur source d’énergie sont les plus pénalisés

    Les ménages qui se plaignent du froid dans leur logement sont majoritairement des locataires, aussi bien dans le secteur social (26 %) que dans le secteur privé (24,5 %). Les propriétaires semblent mieux prémunis contre l’inconfort thermique puisque seuls 11 % des accédants et 7,8 % des propriétaires se plaignent du froid. Il est en effet plus aisé pour les propriétaires occupants d’engager des travaux pour lutter contre l’inconfort thermique, alors que les locataires sont dépendants des choix de leur bailleur. Du reste, la qualité des logements des propriétaires est en moyenne meilleure : les locataires déclarent davantage d’infiltrations, de façades ou de fenêtres en mauvais état et d’humidité sur les murs.

    Les locataires du secteur social sont particulièrement exposés au froid : certes, leurs logements sont globalement en meilleur état que ceux du secteur privé (état des fenêtres et des toitures notamment), mais ils peuvent rarement agir sur le chauffage : 46 % d’entre eux disposent d’un chauffage collectif (contre 19 % pour les locataires du secteur privé), dont ils ne peuvent pas moduler les températures ni agir sur le fonctionnement (imposition de la date de déclenchement, par exemple).

    Les familles monoparentales, les inactifs et les chômeurs les plus exposés au froid

    Les familles monoparentales sont aussi particulièrement exposées : un tiers d’entre elles déclarent un inconfort thermique, contre 16 % des personnes seules ; 40 % de ces ménages sont logés dans le parc social (17 % en moyenne) et 47 % appartiennent à la catégorie des ménages les plus modestes, ce qui explique leur particulière vulnérabilité (graphique).

    De même, les inactifs et les chômeurs sont deux fois plus souvent dans des situations de précarité énergétique que l’ensemble de la population. Le fait de passer plus de temps chez soi peut contribuer à cette sensibilité plus grande au froid surtout lorsque les logements ne peuvent pas apporter le confort requis.

    En revanche, seulement 10 % des retraités se plaignent du froid bien qu’ils passent beaucoup de temps dans leur logement. Celui-ci a sans doute une meilleure qualité thermique et les contraintes budgétaires de ces ménages, en matière de logement, sont moindres : près de 70 % d’entre eux sont propriétaires sans charges de remboursement contre 38 % de l’ensemble des ménages.

    La dimension économique et sociale est ainsi très déterminante en matière de précarité énergétique. De même, certains évènements comme une séparation ou une perte d’emploi peuvent accentuer cette situation.

    Graphique - Les principales caractéristiques des ménages qui se plaignent du froid (en %)

    Lecture : parmi les ménages qui ont des difficultés de paiement, 36,8 % se plaignent d'avoir eu froid au cours de l'hiver dernier. Cette proportion s'élève à 37,8 % si ces ménages sont situés sous la médiane des niveaux de vie et à 40,6 % s'ils appartiennent au 1er quartile de niveau de vie.

    Champ : France métropolitaine.

    Source : Insee, enquête nationale Logement 2006.

    Résumé

    La loi reconnaît la précarité énergétique comme une difficulté à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat. Dans tous les cas, le ménage doit alors faire des arbitrages : se chauffer au risque d’impayés ou ne plus se chauffer et subir les conséquences du froid sur sa santé, son logement, sa vie sociale.

    Ainsi, 3,8 millions de ménages de France métropolitaine ont un taux d’effort énergétique supérieur à 10 %  de leur revenu tandis que 3,5 millions déclarent souffrir du froid dans leur logement. Les ménages modestes sont surtout exposés au froid car ils cumulent des contraintes financières et un habitat peu performant. 621 000 ménages souffrent des deux formes de précarité.  

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